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Normand Arseneault

Témoignage d'un ex-travailleur de l'Expo

Le manège Boston Tea Party
Le manège Boston Tea Party

À l'été 1967, j'avais 20 ans et je me préparais à entrer en première année à l'université, en septembre. J'ai travaillé à l'Expo d'avril à septembre, 6 jours par semaine, le jour ou la nuit,en tant que "préposé à l'entretien", façon prosaïque de dire que j'étais col bleu pour la Ville de Montréal. J'ai travaillé absolument partout sur le site, mais le plus souvent, ce fut sur l'Île Sainte-Hélène.

Tous les préposés à l'entretien travaillaient 6 quarts de jour, suivis d'une journée de congé. Puis, ils entreprenaient 6 quarts de nuit.

Vue d'ensemble à partir du dernier balcon du pavillon de la France .Île Ste-Hélène au loin, île Notre-Dame à l'avant-plan.
Vue d'ensemble à partir du dernier balcon du pavillon de la France .Île Ste-Hélène au loin, île Notre-Dame à l'avant-plan.

Le jour, le travail était routinier. Chacun avait un territoire et devait s'assurer qu'il soit propre. Territoire dont j'ai souvenir: de la station de métro, jusqu'au pavillon de la Chine. Armé de son petit balai et de son porte-poussière, le préposé devait constamment patrouiller son territoire et ramasser tout ce qu'il y avait comme déchets et les jeter dans un poubelle. Au total,j'ai personnellement dû ramasser des milliers de mégots de cigarettes. Il était formellement défendu de s'asseoir. À la première offense, on nous servait un avertissement. À la deuxième, c'était le congédiement! S'il n'y avait presque rien à nettoyer, il ne fallait pas arrêter de patrouiller, mais faire semblant de travailler en marchant.

Pavillon de Trinidad et Tobago
Pavillon de Trinidad et Tobago

Comme les petits kiosques d'information Esso étaient toujours bondés, les visiteurs nous approchaient pour demander un renseignement. Aussi incroyable que cela puisse paraître, voici la question à laquelle j'eus le plus souvent à répondre, chaque fois que je travaillais juste devant le pavillon des États-Unis: "Is this la Ronde?"

Petit bar désert de la Place des Nations. J'ai pris cette photo alors que je me suis retrouvé à travailler seul en pleine nuit à la Place des Nations
Petit bar désert de la Place des Nations. J'ai pris cette photo alors que je me suis retrouvé à travailler seul en pleine nuit à la Place des Nations

La nuit, le travail était complètement différent et varié.À 23hres, on était assignés par petits groupes à différentes tâches partout sur le site:en priorité, on devait aller nettoyer la Ronde après sa fermeture, l'autostade après un concert, la Place des Nations après une danse ou le kiosque à musique situé devant le pavillon de la Belgique. Sinon,arroser le gazon partout,remplacer les roses fanées dans la roseraie près du pavillon des USA, poser de la tourbe et j'en passe.

La Ronde,vue du pont Jacques-Cartier
La Ronde,vue du pont Jacques-Cartier

Chaque nuit,les ampoules brûlées des lampadaires ou d'ailleurs, étaient remplacées. Toutes les rues étaient balayées, puis arrosées. Les taches sur l'asphalte étaient grattées,puis brossées avec du détergent.

J'ai pris cette photo de cette brasserie sur l'île Notre-Dame,près du pont du Cosmos,vers 6 heures du matin
J'ai pris cette photo de cette brasserie sur l'île Notre-Dame,près du pont du Cosmos,vers 6 heures du matin

Sauf pour la Ronde, les derniers visiteurs quittaient à 23 heures, mais la musique continuait à jouer dans les hauts-parleurs jusqu'à minuit. À partir de cette heure, les hauts-parleurs devenaient soudainement muets et le site, immense et complètement illuminé toute la nuit,prenait des allures de ville-fantôme d'une autre planète.

Aussi beau fut-il tout illuminé, grâce à l'architecture spectaculaire de ses pavillons, sans son élément essentiel, l'humain,il prenait une allure un tantinet morose. Sans ses dizaines de milliers de visiteurs quotidiens, sans âme qui vive ou presque, sauf quelques travailleurs éparpillées ici et là sur les deux îles, sans compter la Cité du Havre, après deux heures du matin, c'était le silence. Silence brisé seulement par le vent du fleuve, ou les lointains éclats de voix des autres groupes de travailleurs.

Photo prise le matin,avant l'ouverture du site à 10 heures
Photo prise le matin,avant l'ouverture du site à 10 heures

1- En 1967, le salaire minimum était de $1.25 l'heure. C'est ce que je gagnais en tant que vendeur chez Miracle Mart,avant que la Ville de Montréal ne me fasse signe pour cet emploi d'été à l'Expo.

2- En tant que préposé à l'entretien à l'Expo,je gagnais $2.62/heure pour le travail de jour et $3.75/heure, (soit 3 fois le salaire minimum), pour le travail de nuit.

3- Sur le site de l'Expo,tous les endroits vendant de la crème glacée, étaient situés dans les Expo-Services et la firme Bazinet en avait le monopole. Cette firme vendait le petit cornet de crème glacée molle pour $0.25, alors que le même cornet coûtait $0.10 dans un Dairy Queen à Montréal.

4- Un ballon,gonflé à l'hélium, sur lequel était imprimé le logo de l'Expo, se vendait $1.00.

5- Même prix pour les canettes vides à l'effigie de l'Expo. Les visiteurs achetaient ces canettes scellées et vides, afin d'avoir comme souvenir... de l'air de l'Expo!

6- Une barre de chocolat Coffee Crisp coûtait $0.15.

7- Un repas léger,composé d'un sandwich, d'un sac de chips et d'une boisson gazeuze, appelé "Spécial du Jour" dans tous les Expo-Services, coûtait $1.24. Ceci, afin d'éviter de faire payer aux visiteurs la taxe de vente qui s'appliquait sur tous les repas de $1.25 et plus.

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